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L’argent multiplie par mille l’efficacité des antibiotiques

L’argent multiplie par mille l’efficacité des antibiotiques

Utilisé depuis plus de 2.000 ans contre les infections bactériennes, l’argent pourrait retrouver une deuxième jeunesse dans son combat contre les microbes. Mélangé aux antibiotiques modernes, le métal les rend 10 à 1.000 fois plus efficaces, et permet même à des souches normalement résistantes de succomber aux traitements classiques.

Quel est le point commun entre un loup-garou, un vampire et une bactérie ? Ils ne supportent pas l’. En effet, selon la mythologie, les deux premières créatures sont tuées si elles sont traversées par une balle d’argent. À l’échelle de la bactérie en revanche, on ne peut évidemment pas utiliser les mêmes armes, mais le  se révèle être un atout précieux contre les . De nouvelles solutions d’argent, telles que l’argent colloïdal permettraient de lutter contre ces microbes.

Durant l’Antiquité, le médecin grec , 400 ans avant notre ère, avait déjà compris que l’argent avait un effet antibactérien. Longtemps utilisé pour lutter contre les infections, il a désormais été dépassé par les antibiotiques sans que l’on ait compris quelles étaient les propriétés du métal.

James Collins, de l’université de Boston, et ses collègues viennent d’apporter une réponse convaincante dans les colonnes de Science Translational Medicine. L’argent agit sur le métabolisme bactérien à plusieurs niveaux, et combiné aux antibiotiques, il renforce même leur action. Voilà peut-être une nouvelle solution pour lutter contre les phénomènes croissants de résistance aux médicaments.

L’argent perturbe le métabolisme bactérien

L’argent perturbe le métabolisme bactérien

L’utilisation trop systématique d’antibactériens a abouti à une sélection naturelle des souches de microbes capables de supporter les traitements qu’on leur oppose. Marginal au début, ce phénomène a pris une telle ampleur aujourd’hui qu’il inquiète au sommet des plus hautes instances sanitaires, qui prennent des mesures afin de stopper le processus tant qu’il est encore temps. Le problème, c’est qu’actuellement, il y a de plus en plus de formes résistantes et de moins en moins de nouveaux antibiotiques. Quelles solutions apporter ?

Plusieurs pistes sont suivies par différents laboratoires, mais James Collins emprunte celle de l’argent. Dans son étude, il est parvenu à montrer que le métal agissait de quatre façons sur les bactéries. Sous forme dissoute, l’argent a une forte affinité pour les groupements  des protéines et s’y fixe. Or, ces groupements permettent aux  de se replier et de prendre une  tridimensionnelle qui leur confère leur activité. Par compétition, il rend donc les protéines inutiles à la bactérie.

D’autre part, l’argent entre en concurrence avec le , dont les propriétés sont exploitées par les cellules . Là encore, certaines activités métaboliques tournent au ralenti. Ces réactions aboutissent à la formation de composés oxygénés très  et destructeurs pour le microbe, qui se désintègre de l’intérieur.

Multiplier par 1.000 la puissance des antibiotiques

Multiplier par 1.000 la puissance des antibiotiques

Enfin, le métal grisé augmente la perméabilité membranaire. En d’autres termes, les  environnantes pénètrent mieux la bactérie. Et quand parmi elles on trouve des antibiotiques, leur efficacité est augmentée. D’après les estimations des scientifiques, une combinaison d’argent et d’antimicrobiens multiplie par 10 à 1.000 la puissance destructrice de ces derniers. Une aubaine à exploiter.

Mieux : même les souches résistantes succombent. Des bactéries  connues pour supporter la  n’y ont cette fois pas résisté. Les auteurs supposent que l’afflux de médicament est tel que les mécanismes mis en place par la bactérie pour rejeter les molécules dans le milieu environnant sont saturés, la rendant de nouveau sensible.

Enfin, cette solution permettrait à des  de grosse taille de s’en prendre aux . En effet, ces microbes disposent d’une membrane supplémentaire qui bloque l’accès aux molécules imposantes, comme la gentamicine ou la vancomycine. Pourtant, ces antibiotiques, administrés à des souris, ont éliminé des souches d’E. coli dans la  et l’ des .

puissance des antibiotiques

L’argent, métal nocif pour la santé humaine ?

L’argent, métal nocif pour la santé humaine ?

Des résultats nouveaux qui sous-entendent que l’on peut faire du neuf avec du vieux. Mais encore faut-il prouver l’innocuité du traitement chez l’Homme. Et le passé ne sert pas forcément la cause de l’argent. Souvenons-nous. Dans les années 1990, des chercheurs américains avaient développé une valve cardiaque partiellement recouverte d’argent pour lui conférer des propriétés antibactériennes. Cela a marché. Mais le cœur, lui, n’a pas bien réagi…

On sait déjà qu’une exposition prolongée ou une  trop importante peut conduire à une maladie appelée , qui se caractérise par une  permanente bleu-gris des gencives ou de la peau, qui n’est guère esthétique.

James Collins rassure en expliquant que les études préliminaires menées chez la souris ne révèlent aucun effet indésirable. Un bon début. Mais il faudra désormais le confirmer sur des échantillons plus importants.

métal nocif pour la santé humaine

Une solution d'argent : l'argent colloïdal

L’ est une solution contenant des particules d’argent en suspension, commercialisée pour ses propriétés antimicrobiennes dans des médecines alternatives. L’utilisation de l’argent colloïdal en usage interne n’est pas autorisée en France. Les préparations commerciales doivent indiquer que la solution ne doit pas être avalée par le consommateur. Elle peut s’appliquer sur la peau.

Une étude de 2014 a trouvé que l’argent colloïdal réduit la croissance des biofilms de la bactérie .

argent colloïdal

https://www.science.org/ Télécharger PDF (5.06MB)
L’argent améliore l’activité antibiotique contre les bactéries à Gram négatif
José Ruben Morones-Ramirez, Jonathan A. Winkler Catherine S. Spina,
James J. Collins*
*Auteur correspondant. Courriel : jcollins@bu.edu
Publié le 19 juin 2013, Sci. Trad. Méd. 5, 190ra81 (2013)
DOI : 10.1126/scitranslmed.3006276

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